Pourquoi nous avons besoin d’un dialogue national sur le bénévolat


Les bénévoles jouent un rôle essentiel dans le renforcement des collectivités, la promotion d’un sens et d’un sentiment d’appartenance, et la mise en place d’un large éventail de services sociaux, récréatifs et communautaires. Le bénévolat, à bien des égards, contribue à assurer la pérennité des organismes de soutien sur lesquels nous comptons.

Malgré la façon dont les bénévoles contribuent à enrichir nos vies au quotidien, les dernières statistiques socio-économiques font état d’une tendance inquiétante. Nous sommes au cœur d’une épidémie de solitude, dont les effets négatifs s’accumulent : nous sommes en moins bonne santé, moins heureux, plus méfiants les uns envers les autres et envers nos institutions, et en fin de compte moins résilients. Une tendance connexe et tout aussi préoccupante est celle de notre filet de sécurité sociale, de plus en plus affaibli et fragilisé.

La diminution des effectifs dans le secteur du bénévolat est intimement liée à ces deux tendances.

Les personnes impliquées dans le bénévolat sont plus proches de leur collectivité et ont un plus grand sentiment d’appartenance et d’inclusion, et nos services sociaux dépendent de ces bénévoles pour la mise en œuvre de leurs programmes. Le bénévolat contribue à lutter contre l’épidémie de solitude et constitue la pierre angulaire des services sociaux dont dépendent des millions de Canadiens.

Des bénévoles de la compagnie biopharmaceutique AbbVie donnent un coup de main à la banque alimentaire de la région de York dans le cadre du programme de bénévolat de groupe de Bénévoles Canada.

L’implication est manifestement importante, mais la participation bénévole au Canada est en baisse. Notre sentiment collectif d’appartenance et d’engagement ainsi que notre bien-être social et économique sont menacés. Pour pallier cette situation, Bénévoles Canada s’emploie à identifier les causes profondes du problème et à élaborer conjointement des stratégies et des activités pour relever les défis qui se posent.

Nous avons commencé par revenir sur la recommandation de 2019 du Comité sénatorial spécial sur le secteur de la bienfaisance au Canada visant à élaborer une stratégie d’action nationale sur le bénévolat. Dans le cadre d’un effort plus vaste visant à moderniser le secteur caritatif, le rapport Catalyseur de changement du comité a recommandé que le gouvernement canadien « mette en œuvre une stratégie nationale sur le bénévolat afin d’encourager tous les Canadiens à s’impliquer au sein de leur collectivité, en reconnaissant que les besoins des collectivités nordiques, rurales et urbaines sont uniques ». Il a été proposé que Bénévoles Canada pilote ce projet.

Aujourd’hui, la demande croissante auprès du secteur non lucratif, en particulier les services de première ligne, conjuguée à la baisse du bénévolat, met à l’épreuve notre capacité à répondre aux défis sociaux et économiques grandissants. À titre d’exemple, 35 % des organismes de l’Ontario ont dû réduire leurs services en raison d’un manque de bénévoles.

La bonne nouvelle, c’est que nous bénéficions d’un secteur social et corporatif dynamique et de plus en plus diversifié, prêt et désireux de réagir. Cette diversité accrue amène à découvrir des modèles de participation qui offrent des possibilités uniques d’apprentissage partagé et à accroître la portée des efforts collectifs. En d’autres termes, grâce à la participation grandissante des communautés ethnoculturelles du Canada, le « bénévolat traditionnel » est tout sauf traditionnel. En réunissant tous ces éléments, nous souhaitons créer une boucle vertueuse : encourager davantage de personnes à s’impliquer dans le bénévolat (ce qui conduit à de meilleurs résultats en matière de santé individuelle et collective) et, ce faisant, les organismes pourront mieux remplir leur mission et assurer notre bien-être collectif. De cette manière, les Canadiens contribueront à s’aider eux-mêmes, à s’aider mutuellement, et à aider nos institutions.

Pour atteindre cet objectif, nous avons besoin d’une vision pancanadienne de l’évolution du bénévolat depuis la pandémie, et de savoir s’il s’est rétabli ou comment il s’est rétabli.

En fait, il est difficile de se rétablir lorsqu’on ignore ce qui s’est passé. Alors que 58 % des organismes de bienfaisance au Canada sont exclusivement gérés par des bénévoles1, il est de plus en plus urgent et extrêmement important de comprendre les enjeux du bénévolat aujourd’hui.

Bien que le tableau soit incomplet, des données qualitatives et quantitatives commencent à nous donner une idée de la situation :  

  • 62 % des organismes bénévoles de l’Ontario ont déclaré avoir perdu des bénévoles pendant la pandémie, l’impact le plus important ayant été ressenti par les services sociaux, les associations sportives et les groupes religieux2.
  • 50 % des dirigeants bénévoles de Toronto ont été licenciés ou réaffectés en 2020, et 90 % des postes de bénévoles se sont volatilisés du jour au lendemain3.
  • 67 % des organismes bénévoles ont fait état d’une pénurie de bénévoles en 2022, et 51 % ont déclaré avoir des difficultés à retenir les bénévoles4.

Notre modèle traditionnel de bénévolat a subi un choc important, qui a ébranlé et, dans certains cas, déstabilisé nos manières de nous aider les uns les autres. En tant que société, nous devons trouver des moyens de mieux rebâtir, mais nous devons d’abord reconnaître que la pandémie a accéléré des changements qui se produisaient déjà dans le secteur du bénévolat – à savoir la perte et la dégradation des centres de bénévolat et une divergence entre l’offre souvent « rigide » de possibilités de bénévolat et la « demande » des bénévoles pour des possibilités plus souples.

Chad Lubelsky, vice-président de Bénévoles Canada, donne de son temps au Santropol Roulant de Montréal.

Pour accentuer le problème, les données relatives à l’enregistrement de nouveaux organismes de bienfaisance et la révocation d’anciens groupes bien établis indiquent que notre système traditionnel de soutien social est menacé de disparaître.

Les églises5, les clubs de bienfaisance, les centres de bénévolat et d’autres éléments clés de l’organisation du bénévolat et de la collecte de fonds sont en train de disparaître, et les structures nécessaires à leur remplacement n’ont pas été créées. Plusieurs de ces groupes n’ont pas de plan de transition ou ne sont pas en mesure d’en mettre en place. Afin de conserver leur statut d’organisme de bienfaisance, ces dernières doivent produire chaque année une « déclaration publique de renseignements ». Dans la section des commentaires, les églises, les organismes de bienfaisance et les groupes similaires ont indiqué que la prochaine génération de bénévoles ne prend pas la relève, entraînant ainsi la fermeture de nombreux établissements.

Le bénévolat, les associations caritatives et les groupes à but non lucratif sont le ciment d’une collectivité. La collaboration crée un sentiment de solidarité et représente la manière par laquelle nous devons prendre soin les uns des autres. Grâce aux interactions sociales, nous rencontrons non seulement nos voisins et leur famille, mais nous prenons également conscience des problèmes qui affectent notre collectivité. Ces groupes et activités favorisent une culture d’appartenance et d’inclusion – un soutien de plus en plus nécessaire à mesure que l’épidémie de solitude s’installe.

Les organismes qui ont été créés remplissent leur mission. Ils ont permis d’organiser des collectes de fonds, d’encadrer des jeunes, de prêter main-forte à ceux qui traversaient une période difficile. La pandémie a changé la donne en court-circuitant notre capacité à nous rassembler. Bien que cette période soit maintenant derrière nous, la façon dont nos collectivités abordent les problèmes n’a pas changé. Pour certains groupes, l’interruption a été fatale : nous assistons à la révocation d’associations caritatives qui n’ont pas pu survivre à plus de deux ans d’inaction.

Parmi les catégories d’organismes de bienfaisance, nous avons constaté que les groupes de ressources communautaires et d’équipements publics sont en diminution, les révocations étant plus nombreuses que les nouveaux enregistrements. Ces groupes comprennent des garderies, des centres communautaires ou des centres de ressources, des groupes de femmes, des centres d’amitié et de prévention du crime, des groupes d’alphabétisation, des camps d’été, en particulier pour les résidents ayant des besoins particuliers, des associations de parents soutenant les écoles et les établissements préscolaires, et toutes sortes de groupes culturels. La liste est à la fois longue et importante, et l’ensemble de ces organismes constitue une infrastructure sociale essentielle. Sans eux, notre société commence à perdre sa cohésion. Si nous voulons, par exemple, avoir une chance de lutter contre la crise climatique, les liens nous unissant devront être beaucoup plus forts qu’ils ne le sont actuellement. Le bénévolat et la collaboration permettent de créer ces liens et ces connexions.

Il est temps d’engager un dialogue national

Nous devons nous pencher sur le statut du bénévolat – ce qui fonctionne, ce qui ne fonctionne pas, et quelles innovations et quels nouveaux modèles sont nécessaires. Nos efforts doivent veiller tout particulièrement à inclure les collectivités, qui sont trop souvent laissées pour compte.

Nous avons vu comment le bénévolat virtuel peut aider les Canadiens à entrer en contact avec des personnes dans le besoin. Nous devrions nous en inspirer, mais les écrans ne remplacent pas la nécessité d’un contact direct pour aider les gens.

Nous devons trouver des moyens de renforcer l’infrastructure du bénévolat au Canada, et de promouvoir et de favoriser de nouvelles visions communes du bénévolat. Nous n’avons besoin de rien de moins qu’une stratégie d’action nationale sur le bénévolat. Une stratégie élaborée en commun nous aidera à déterminer les causes du problème et les mesures à prendre pour y remédier. Si nous ne faisons rien, la situation ne fera que s’aggraver davantage dans le futur. Pour en savoir plus ou pour vous impliquer, visitez le site volunteerstrategy.ca ou envoyez un courriel à Chad Lubelsky à l’adresse clubelsky@volunteer.ca.


1. CanaDon, Rapport sur les dons 2023 : Il est temps de changer, page 29. (En fait, 58 % des associations caritatives sont gérées exclusivement par des bénévoles).

2. Ontario Nonprofit Network et Assemblée de la francophonie de l’Ontario, State of the Sector During Uncertain Times, rapport des orientations, 26 août 2022, page 9.

3. Volunteer Toronto, Rapport annuel 2020–2021: Rising to the Occasion, section « Impact Dashboard ».

4. Statistique Canada, Le Quotidien, 25 novembre 2022, « Enquête canadienne sur les perspectives du monde des affaires, quatrième trimestre ».

5. À l’exception des lieux de culte bahianais, toutes les autres religions sont en augmentation.

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