La résilience est essentielle pour s’adapter à la transition. Dans le troisième profil de la série Mission Transition, nous nous intéressons à YAM (Y’a quelqu’un l’aut'bord du mur), qui gère des projets environnementaux novateurs améliorant la qualité de vie des citoyennes et des citoyens. Elle travaille avec les écosystèmes politiques, sociaux et de santé, des dizaines de comités de citoyens et le secteur privé.
Les organismes à but non lucratif s’attaquent aux grands problèmes : la pauvreté, les inégalités en matière de santé, d’éducation et d’accès au travail, la discrimination sexuelle et raciale, les crises des réfugiés, l’insécurité alimentaire, le développement communautaire, etc. Cependant, un défi transversal exige une contribution à un autre niveau : la crise climatique. Dans cette série, la journaliste Diane Bérard se penche sur les raisons pour lesquelles les organismes à but non lucratif et les groupes de la société civile devraient faire de la transition socioécologique un élément central de leur stratégie, les moyens d’y parvenir et l’aide que peuvent offrir les bailleurs de fonds. Elle s’est entretenue avec sept organismes aux missions très différentes, qui contribuent toutes à la transition à leur manière.
La résilience est essentielle pour s’adapter à la transition. Dans le troisième profil de la série Mission Transition, nous nous intéressons à YAM (Y’a quelqu’un l’aut’bord du mur), qui gère des projets environnementaux novateurs améliorant la qualité de vie des citoyennes et des citoyens. Elle travaille avec les écosystèmes politiques, sociaux et de santé, des dizaines de comités de citoyens et le secteur privé.
Quelle est la mission de Y’a quelqu’un l’aut’bord du mur (YAM)?
Y’a quelqu’un l’aut’bord du mur (YAM) est une entreprise d’économie sociale qui gère des projets environnementaux novateurs améliorant la qualité de vie des citoyennes et citoyens par le verdissement, l’agriculture, la propreté et un service intégré d’enlèvement de graffitis. À travers ses différents projets, YAM favorise l’insertion socioprofessionnelle des jeunes et l’engagement de la collectivité. Les collectivités sont à la fois les acteurs et les bénéficiaires de tous nos projets.
Qui sont les partenaires de YAM?
Nous travaillons avec l’écosystème politique, c’est-à-dire les conseils des arrondissements, ainsi que les écosystèmes sociaux et de santé, comme le CIUSSS de l’Est de Montréal (centres de santé et de services sociaux). Nous travaillons également avec des dizaines de comités de citoyens et le secteur privé.
Quelles sont vos sources de financement?
Nous sommes une entreprise sociale. Nous devons générer 40 % de nos revenus; nous en générons 80 %. Nous obtenons des contrats des partenaires que je viens de nommer, soit les municipalités, le secteur privé et les institutions du secteur public.
Quelle est votre définition de la transition socioécologique?
La transition passe d’abord par un changement de comportement. Pour y parvenir, il suffit d’observer ses gestes, de comprendre leurs répercussions et d’agir différemment pour obtenir des résultats différents. C’est à la fois aussi compliqué et aussi simple que cela. C’est compliqué, parce que les vieilles habitudes ont la vie dure. C’est simple, parce que chaque citoyen peut contribuer à la transition. Selon un mythe tenace, seules les personnes ayant un niveau élevé de connaissances environnementales pourraient mener la transition. Il y a peu de diversité dans la communauté de la transition, mais si cela ne change pas, le changement ne se produira jamais. Nous devons démocratiser la transition. Ce n’est pas un objectif « vert », mais bien un objectif « brun ». Il faut aller sur le terrain et se salir les mains : on ne construit pas un jardin communautaire avec son cerveau!
Comment travaillez-vous?
Certains de nos projets viennent des arrondissements. Par exemple, YAM gère les programmes Éco-quartier des arrondissements de Mercier–Hochelaga-Maisonneuve et de Rosemont–La Petite-Patrie. Les éco-quartiers sont des ressources de première ligne misant sur l’éducation environnementale et l’offre de services écologiques essentiels. D’autres projets sont lancés par des initiatives privées. Par exemple, une entreprise nous a récemment engagés pour cultiver un jardin sur une partie de son terrain et redistribuer les aliments à des organismes à but non lucratif locaux. Les écoles font également appel à notre savoir-faire pour construire des jardins, mettre en œuvre des programmes de compostage ou proposer des cours de sensibilisation à l’environnement. Nous travaillons également avec les personnes âgées. Par exemple, nous organisons des ateliers dans les établissements de soins de longue durée sur le mode de vie « zéro déchet » et la fabrication de produits de nettoyage ayant une empreinte minimale. Nous commençons par les enfants, mais non veillons à ce que leurs grands-parents ne se sentent pas exclus. Les habitudes de vie, la consommation et le transport des aînés ont une incidence importante sur l’environnement. YAM ouvre la voie vers la transition pour tous les citoyens.
Parlons de Paysage Solidaire, votre programme d’agriculture urbaine.
Depuis 2009, nous transformons des espaces minéralisés, contaminés et sous-utilisés de l’arrondissement de Mercier–Hochelaga-Maisonneuve en sites d’agriculture urbaine à plusieurs vocations. Le projet Paysage solidaire comprend trois volets : la production maraîchère, les jardins collectifs et l’économie circulaire. Notre production est répartie sur deux sites : l’un appartient à la Société des alcools du Québec (SAQ) et l’autre au Centre d’hébergement de soins de longue durée (CHSLD) Rousselot. Depuis 2009, ces sites ont produit cinq tonnes de fruits et légumes qui ont été vendus, distribués ou transformés au profit des citoyens. Nos jardins collectifs favorisent l’appropriation de l’agriculture urbaine par les résidentes et les résidents. Un animateur horticole est sur place pour offrir des formations et encadrer les activités auxquelles participent les camps de jour, les centres de la petite enfance, les écoles et les organismes communautaires. Les résidentes et les résidents du quartier sont également invités à participer à la gestion de ces jardins. L’objectif ultime de Paysage solidaire est de développer et de soutenir la sécurité et la souveraineté alimentaire de l’arrondissement, en minimisant les distances parcourues entre les sites de production, de transformation, de distribution et les consommatrices et les consommateurs.
L’agriculture urbaine n’est pas seulement une question de sécurité et de souveraineté alimentaires, mais aussi d’hygiène de vie et de lutte contre la pauvreté.
Je suis d’accord. Les participants à nos ateliers de jardinage ne feront pas tous pousser leurs aliments. Certains le feront, d’autres non, et c’est très bien ainsi. D’autres découvriront simplement de nouveaux légumes et fruits pour compléter leur alimentation. Ils cuisineront peut-être davantage et achèteront moins d’aliments transformés, ce qui aura un effet sur leur santé et leur portefeuille. La transformation socioécologique, c’est aussi cela.
YAM a 15 employés et, chaque été, elle embauche 30 stagiaires qui travaillent sur différents projets. Quel est le profil de ces stagiaires?
Leurs profils sont aussi divers que peuvent l’être les candidats à l’insertion par le travail. Le manque de compétences spécialisées est leur seul point commun. Il peut s’agir d’une mère qui a perdu son emploi pendant la pandémie et qui a besoin de regagner sa confiance en elle et en ses capacités, d’un jeune adulte qui aura bientôt 18 ans et qui s’inquiète de son avenir professionnel lorsqu’il quittera le centre de jeunesse où il a passé les dernières années ou d’un citoyen marginalisé qui est au chômage depuis un certain temps. Ils acquièrent tous une expérience professionnelle et de nouvelles compétences en créant un jardin ou en s’en occupant, en enlevant des graffitis ou en organisant des ateliers publics sur les enjeux de la transition.
La démocratisation de la transition vous tient à cœur. Alors, quelle est la meilleure façon d’y parvenir?
Il faut faire preuve d’empathie et de créativité. Récemment, un complexe de logements sociaux nous a demandé de dessiner une murale à la mémoire d’un jeune homme tué lors d’un incident impliquant une arme à feu. La beauté est porteuse d’espoir et de fierté. Une murale peut être la première étape d’une initiative d’amélioration d’un quartier. Elle devient un lieu de rassemblement informel, puis on ajoute des bancs et des bacs à fleurs. Enfin, on propose des ateliers de jardinage pour diffuser l’initiative d’embellissement. Petit à petit, une relation se tisse avec les citoyens et il est possible de leur demander quels sont les projets environnementaux qui suscitent leur intérêt. Toutefois, la transition n’est pas seulement une question d’intérêt, c’est aussi une question de moyens. Comment met-on sur pied une campagne de recyclage pour les analphabètes? Comment convainc-t-on les résidents à faibles revenus de réduire leur dépendance très coûteuse à leur automobile? On peut essayer de leur donner des vélos.
Selon vous, quel rôle le secteur philanthropique doit-il jouer dans la transition?
Je vois un double défi. Premièrement, les fondations qui travaillent à la réduction de la pauvreté doivent s’ouvrir aux effets sociaux des projets environnementaux. La crise climatique a des effets énormes sur les plus vulnérables d’entre nous. Les mesures d’adaptation réduisent la pauvreté. D’un autre côté, les fondations axées sur l’environnement devraient porter leur attention sur un autre public que celui visé. Ils doivent trouver un discours sur le climat qui les interpelle. Comment sensibiliser à l’environnement quelqu’un qui n’a pas de jardin ni d’accès à un espace de stationnement? Les fondations environnementales doivent faire le grand saut et financer des groupes organisés. Des investissements précoces sont nécessaires pour tisser des relations comme le fait YAM au moyen de murales. Il sera ensuite possible de lancer la conversation sur la transition.
Quel est votre prochain grand projet?
Nous travaillons avec ÉAU, une entreprise spécialisée en aquaponie, une technique de production agroalimentaire intégrée. Nous étudions la possibilité d’installer une ferme aquaponique urbaine financée en partie par le ministère de l’Agriculture. C’est un exemple dans lequel le soutien de fondations serait le bienvenu pour financer des études de faisabilité.
(Remarque : Daphné Mailloux-Rousseau a quitté YAM à la fin du mois de mars 2022. Elle est maintenant directrice générale de la Fondation de l’Accueil Bonneau. Luc Villandré est le directeur général de YAM)