Insertech: Fournir des emplois décents , lutter contre le gaspillage, démocratiser la technologie

Dans le premier volet de notre série Mission Transition, la collaboratrice Diane Bérard dresse le profil de l’organisme sans but lucratif montréalais Insertech, qui forme des adultes sans emploi à réparer des appareils électroniques considérés comme des déchets et les offrir au public à des prix abordables, tout en ayant pour mandat de démocratiser la technologie.

Dans le premier volet de notre série Mission Transition, la collaboratrice Diane Bérard dresse le profil de l’organisme sans but lucratif montréalais Insertech, qui forme des adultes sans emploi à réparer des appareils électroniques considérés comme des déchets et les offrir au public à des prix abordables, tout en ayant pour mandat de démocratiser la technologie.


Les organismes sans but lucratif s’attaquent aux grands enjeux de ce monde : la pauvreté, les inégalités en matière de santé, d’éducation et d’accès au travail, la discrimination sexuelle et raciale, les crises des réfugiés, l’insécurité alimentaire, le développement communautaire, etc. Or, un enjeu transversal appelle à leur contribution à un autre niveau : la crise climatique. Dans notre série Mission Transition, The Philanthropist Journal se penche sur les raisons pour lesquelles les organismes sans but lucratif devraient faire de la transition socioécologique un élément central de leur stratégie – et comment le faire. Dans les semaines à venir, nous présenterons sept organismes aux missions très différentes, qui contribuent tous, à leur manière, à la transition. Dans notre premier profil, nous présentons le modèle d’économie circulaire d’Insertech, un organisme montréalais qui forme des adultes sans emploi à réparer des appareils électroniques considérés comme des déchets et les offrir au public à des prix abordables.

Insertech (Montréal)
Marie-France Bellemare, directrice générale
Mission : insertion professionnelle et réduction des déchets électroniques
Qu’est-ce qu’Insertech?

Fondée en 1998, Insertech a pour but de faciliter l’insertion socioprofessionnelle des jeunes adultes. Nous nous efforçons de créer une société plus inclusive, plus unie et plus soucieuse de son environnement. Chaque année, nous offrons une expérience professionnelle de courte durée (six mois) à 50 jeunes adultes sans emploi afin de renforcer leur confiance en eux pour qu’ils puissent participer pleinement à l’économie et prendre leur avenir en main. Nous les formons à réparer et à mettre à jour des appareils électroniques que les organisations nous donnent parce qu’elles en ont acheté de nouveaux. Ces ordinateurs sont vendus au public à bas prix. Cette première mission nous a amenés à en définir une seconde : en réutilisant et en réparant les appareils, Insertech contribue à la lutte contre la surconsommation, l’obsolescence trop rapide, la pollution et le gaspillage des ressources. Nous avons récemment élargi notre portée en ajoutant une troisième mission : la démocratisation technologique. Donner accès à des ordinateurs abordables n’est que la moitié de la solution. La culture technologique n’est pas répartie de manière égale. Insertech propose des cours aux personnes âgées en résidence et aux bénéficiaires d’organismes sans but lucratif, ainsi qu’un soutien en ligne pour remédier à la situation.

Quelle est votre définition de la transition socioécologique?

C’est la transformation nécessaire en vue d’un nouveau modèle économique et social. Elle peut créer des possibilités, mais seulement si elles sont pertinentes pour l’environnement et les gens. Cette transition doit être fondée sur la solidarité et l’équité, sinon elle ne recevra pas suffisamment de soutien.

Comment Insertech contribue-t-elle à cette transition?

Nous formons les adultes sans emploi à des emplois basés sur l’économie circulaire. Une économie circulaire contribue à la transition écologique et énergétique de plusieurs façons. La nôtre consiste à récupérer des matériaux considérés comme des déchets et à les remettre en état pour créer des produits qui sont offerts au public à des prix abordables. La réutilisation et le réemploi des biens créent une valeur économique sans nuire à l’environnement. En nous attaquant également à la fracture numérique [entre ceux qui ont accès à un bon Internet et ceux qui n’y ont pas accès, et entre ceux qui sont à l’aise avec la technologie et ceux qui ne le sont pas], nous nous assurons que le progrès technologique est réellement synonyme de progrès pour tous.

La transition entraînera la disparition progressive des industries « brunes » et de nombreux emplois. Comment Insertech contribue-t-elle à une transition équitable?

Nous avons besoin d’une création massive d’emplois dans les industries qui respectent un modèle économique durable – des emplois pour les travailleurs des secteurs « bruns » et pour les travailleurs qui entrent ou reviennent dans le monde du travail. Nos stagiaires acquièrent une expérience professionnelle et des compétences, mais ils le font dans un secteur regorgeant de possibilités. Nous offrons une réinsertion durable.

Comment fonctionne votre service?

La plupart de nos accords sont conclus avec de grandes entreprises, comme Énergir, Aéroport de Montréal, HEC Montréal, et STM (la société de transport en commun de Montréal). Nous récupérons les appareils électroniques dans leurs locaux et les ramenons à nos techniciens. Nous effaçons les données, réparons ou changeons certaines pièces, et vendons les ordinateurs dans notre boutique ou en ligne, 30 % en dessous du prix de détail d’un modèle neuf comparable.

Quel est votre plus grand défi?

Notre plus grand défi est la sensibilisation et le changement des comportements. Depuis des décennies, le recyclage est présenté comme la solution à notre problème environnemental. Malheureusement, la réutilisation et le réemploi sont des concepts laissés pour compte. Les citoyens et les entreprises ne pensent pas à donner une seconde vie à leurs appareils électroniques. Ils cherchent simplement une « façon verte » de s’en débarrasser. Nous devons lutter contre ce réflexe. Plus longtemps nous utilisons un objet sans le transformer, mieux c’est pour l’environnement. C’est ce qu’on appelle la réutilisation. C’est ce que fait Insertech. Les études sur le cycle de vie des appareils électroniques concluent que la réutilisation est neuf fois plus avantageuse pour l’environnement que le recyclage. Le dernier rapport du Bureau d’audiences publiques sur l’environnement sur la gestion des déchets ultimes était sans équivoque : le gouvernement du Québec a accordé trop d’attention au recyclage au détriment d’autres stratégies de gestion des déchets. Ce qui est ironique, c’est que la réutilisation et le réemploi offrent des emplois de meilleure qualité que le recyclage.

Quelles sont vos sources de revenus?

C’est la vente du matériel que nous recueillons auprès de diverses organisations qui représente plus de la moitié de nos revenus (55 %). Une subvention de Services Québec [le guichet unique des programmes provinciaux pour les citoyens et les organismes] couvre les salaires de nos stagiaires, de leurs formateurs et de nos employés (35 à 40 % de nos revenus). Nous complétons notre financement par des subventions diverses, en offrant des ateliers gratuits et un soutien à l’inclusion numérique.

Que pourriez-vous faire avec plus de financement?

Nous pourrions déclencher un changement systémique. Notre vision est un réseau d’organismes sans but lucratif aux quatre coins du Québec qui reproduit la mission en trois volets d’Insertech. Nous nous inspirons du réseau Envie en France. Tout d’abord, Envie recueille, remet en état et revend de l’équipement électrique et électronique. Ces équipements sont ensuite réparés, testés, puis revendus à un coût abordable (de 30 à 60 % moins cher que de l’équipement neuf), avec une garantie minimale d’un an. Le réseau collecte également des dispositifs médicaux inutilisés (fauteuils roulants, lits médicaux, etc.) pour les remballer et les distribuer à des prix « solidaires », avec toutes les garanties et conformités réglementaires. Toutes les activités d’Envie s’inscrivent dans le cadre de l’économie circulaire : un service de vente de pièces de rechange pour réemploi établi à Strasbourg, une unité de tri des déchets sur les chantiers conçue pour la première fois en Bretagne, la collecte et le traitement des matelas dans plusieurs succursales, etc. Le réseau Envie est une fédération nationale au service de ses membres, les entreprises sociales locales.

Quel rôle envisagez-vous pour le secteur philanthropique dans la transition?

Il pourrait accélérer la transition. La transition concerne les humains, et non la technologie. La technologie ne nous sauvera pas, elle n’est pas la priorité. La transition, c’est d’abord des humains qui se parlent, s’organisent, partagent et mettent en commun. La technologie et le recyclage entrent en jeu une fois que nous avons réduit, réutilisé et réemployé. Les fondations collaborent avec des humains qui veulent améliorer le monde. Or, ils travaillent de façon cloisonnée. La transition est un mouvement horizontal qui influence tous les aspects de la société. Nous devons mettre au point un nouveau discours dans lequel la philanthropie sociale tient compte de l’empreinte environnementale et vice-versa. C’est un travail pour les organismes sans but lucratif comme Insertech et une vision à élaborer pour les fondations.

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Pour en savoir plus, lisez la série Mission Transition.

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