Yves Vaillancourt
Introduction
À la suite d’une demande de son comité éditorial, j’ai accepté d’écrire de temps en temps des articles en français dans la revue bilingue The Philantropist / Le Philanthrope. Pour le premier article, j’ai tenu compte d’une suggestion à l’effet que je livre une vision d’ensemble des principales questions auxquelles se trouve présentement confrontée l’économie sociale au Québec et au Canada. Dans cette intention, j’ai décidé de reprendre et mettre à jour certaines pistes de réflexion que j’ai explorées dans un chapitre publié dans le livre de J. J. McMurtry sur l’économie sociale au Canada. Dans ce chapitre, je me suis efforcé de parler de l’histoire et de la réalité actuelle de l’économie sociale au Québec tout en cherchant à le faire d’une façon qui me permette d’entrer en dialogue avec des personnes s’intéressant à l’économie sociale ou à certaines de ses composantes, non seulement au Québec mais aussi dans l’ensemble du Canada.
À cet effet, j’ai structuré mon texte en trois grandes parties. Dans la première partie du chapitre, je présente un retour sur l’histoire de l’économie sociale au Québec au cours des 170 dernières années dans laquelle ressortent cinq grandes périodes ou configurations historiques. Dans la deuxième partie, je propose une réflexion sur les ressemblances et différences entre l’évolution de l’économie sociale au Québec et dans le reste du Canada au cours des quatre-vingt dernières années. Dans la troisième partie, je me suis arrêté sur six enjeux qui interpellaient de façon parfois distincte l’économie sociale québécoise et canadienne. Je précise que dans mon chapitre publié en anglais dans le livre de Mc- Murtry, j’ai dû me contenter de présenter un résumé très concis de la troisième partie de mon texte original (Vaillancourt, 2009), tandis que la version originale et plus étayée a été publiée en français sous forme de document de travail dans un cahier de recherche
(Vaillancourt, 2008).
Dans le présent article, je reviens sur les six enjeux que j’avais retenus dans les deux textes mentionnés ci-dessus. Ce faisant, je pense avoir l’occasion de permettre aux lecteurs et lectrices du Philanthrope de connaître un peu quels sont les lieux d’ancrage à partir desquels je m’intéresse depuis longtemps à l’économie sociale et solidaire, au tiers secteur, aux organismes communautaires et bénévoles, aux coopératives, aux mutuelles, aux fondations, à l’État, au marché, etc. Paradoxalement, mon intérêt pour l’économie sociale et solidaire est indissociablement relié à mon intérêt pour les politiques sociales et publiques. J’aime l’économie sociale, mais pas de manière inconditionnelle. Je l’aime dans la mesure où elle peut, lorsque certaines conditions sont réunies, enrichir les pratiques sociales et contribuer à la démocratisation et à l’amélioration des politiques publiques et de la société dans son ensemble.
Venons-en maintenant à mes six enjeux.
Au sujet de la définition et des portraits de l’économie sociale
Dans mes travaux sur l’économie sociale, depuis une quinzaine d’années, j’ai toujours donné de l’importance aux réflexions et débats sur la définition de l’économie sociale et défendu une position favorable à une définition « large et inclusive », tout en précisant qu’il ne fallait pas se scandaliser devant le fait que tous les chercheurs et acteurs ne s’entendaient pas sur une seule et même définition. En outre, j’ai souvent entendu ou lu les propos de personnes qui, en se réclamant souvent de leur attachement au concret, disaient préférer ne pas s’occuper des questions de définition parce qu’elles n’avaient pas de temps à perdre.
Les mêmes personnes, souvent impliquées dans la recherche et l’action sur l’économie sociale ou sur certaines de ses composantes (coopératives, organismes à but non lucratif, organisations communautaires et bénévoles, mutuelles, fondations, etc.), disaient qu’elles préféraient consacrer leur énergie à la production de portraits concernant l’économie sociale (ou certaines de ses composantes). En anglais, cela renvoie à la popularité des fameux projets de mapping ou de cartographie. Moi, je n’ai jamais compris comment on pouvait se désintéresser du travail sur les définitions tout en se lançant avec tant d’enthousiasme dans le travail sur les portraits! Ce que j’ai souvent observé par ailleurs, c’est que les personnes qui se lancent dans des opérations de cartographie sans avoir au préalable pris conscience de l’importance du travail théorique à effectuer sur les définitions ne tardent pas à se heurter à des obstacles qui les forcent à s’ouvrir les yeux. Pour photographier l’économie sociale ou les organismes à but non lucratif qui existent dans telle ville, telle région, telle province, tel pays, il faut s’entendre sur une définition de l’économie sociale ou des organismes à but non lucratif, ainsi que sur une méthode pour les comptabiliser. Cette observation peut paraître élémentaire. Mais, c’est parce qu’on la prend souvent à la légère que plusieurs projets de cartographie finissent dans la désillusion, ou encore ne sont pas menés à terme, ou encore débouchent sur des résultats ultra fragiles dont l’utilisation demeure faible par la suite.
En somme, pour faire le portrait de l’économie sociale, il faut d’abord savoir de quoi on parle, donc commencer par la définir. C’est la raison pour laquelle, dès l’introduction de mon chapitre dans le livre de McMurtry, j’ai clarifié ma position en faveur d’une définition qualifiée de large et inclusive et fait ressortir que cette définition incluait des composantes à la fois marchandes et non-marchandes. En fait, cette définition est dans la lignée de celle proposée par le Chantier de l’économie sociale au Sommet socioéconomique de l’automne 1996 et retenue officiellement par le gouvernement du Québec depuis. Je souligne le mot officiellement pour attirer l’attention sur le fait que cette définition n’a jamais été désavouée, mais que, dans les faits, autant le gouvernement du Québec que le Chantier de l’économie sociale ne l’ont pas respectée au cours des dernières années, en mettant l’accent uniquement sur les composantes marchandes de l’économie sociale au moment de faire leurs portraits et des projets spéciaux concernant l’économie sociale.
En parlant de composantes non-marchandes, je fais référence à des organisations qui produisent des biens ou des services, mais sans les vendre sur le marché, voire sans les tarifer. Je fais référence notamment à des organismes communautaires ou à des associations qui offrent leurs biens ou services gratuitement à leurs membres ou à la population grâce à un financement qui est alimenté par des dons de la philanthropie et/ou des subventions des pouvoirs publics. Toutefois, j’ai décidé de ne pas comptabiliser les associations à but non lucratif qui n’ont pas recours à une main-d’œuvre non salariée. C’est d’ailleurs ce qui explique que j’en ai comptabilisé un moins grand nombre que l’enquête d’Imagine Canada qui a retenu le nombre de 46,000 associations à but non lucratif au Québec (Hall et al., 2004; Vaillancourt, 2009 : 73).
C’est en utilisant cette définition que j’ai construit un portrait de l’économie sociale au Québec dans lequel je compte 14,775 organismes ou entreprises et 167,541 emplois. Parmi les organisations, j’ai comptabilisé 8,000 organisations non-marchandes et 6,775 organisations marchandes (cf. Tableau 3.1 dans Vaillancourt, 2009 : 72). Ces chiffres sont plus élevés que ceux que l’on retrouve dans les portraits du Chantier de l’économie sociale parce que ce dernier, à l’encontre de la définition initiale lancée en 1996, ne compte pas les composantes non-marchandes. Par contre, ils sont moins élevés que ceux que l’on trouve dans les portraits de Michael Hall et al. (2004), parce que dans ce dernier cas, les associations non-marchandes retenues sont à la fois celles qui font appel et celles qui ne font pas appel à de la main-d’œuvre salariée.
Encore une fois, en présentant une définition précise concernant l’économie sociale, je ne prétends pas vouloir faire l’unanimité parmi les décideurs, les intervenants et les chercheurs. Mais je veux que mes interlocuteurs me comprennent lorsque je parle de l’économie sociale. En outre, je veux comprendre le discours des autres, même lorsqu’ils et elles utilisent une définition plus restrictive ou plus large que la mienne. De cette manière, il est possible d’entrer en discussion avec des personnes qui ne partagent pas ma définition et avoir des échanges très fructueux. C’est la raison pour laquelle je prends la peine en tout respect de faire un débat avec un chercheur comme Louis Favreau (2008) qui a pris parti pour une définition plus restreinte de l’économie sociale en excluant de sa définition les composantes non-marchandes. Après avoir résumé l’argumentation de Favreau, je présente les arguments qui m’amènent néanmoins à m’en tenir à une définition large et inclusive (Vaillancourt, 2008 : 26-28).
En somme, au Québec comme dans d’autres régions du monde, la définition de l’économie sociale ne fait pas l’objet d’un consensus. Cela est normal et génère des discussions qui sont saines à condition que les uns et les autres prennent la peine de clarifier leurs positions et faire preuve de rigueur. Mais cette situation nous invite à la prudence le jour où nous serions tentés de nous lancer dans la production de portraits.
En tension entre l’État et les mouvements sociaux
L’un des traits spécifiques de l’économie sociale au Québec renvoie au fait que, notamment depuis l’année 1996, elle a fait l’objet d’une reconnaissance particulière de la part de l’État québécois. Comment expliquer cette reconnaissance et la moins grande reconnaissance dans d’autres régions du Canada? S’agit-il d’un cadeau des pouvoirs publics? S’agit—il plutôt d’une conquête de la société civile et des mouvements sociaux? Ma réponse, c’est que la reconnaissance politique de l’économie sociale s’apparente à un compromis institutionnalisé. Il s’agit d’une réponse gouvernementale, du moins partielle, à des demandes issues des acteurs de la société civile et du marché du travail, notamment de ceux qui sont impliqués directement ou indirectement dans le développement de l’économie sociale. L’apport des divers mouvements sociaux est examiné dans la version longue de mon texte (Vaillancourt, 2008). Dans ce contexte, aux origines de la reconnaissance, le mouvement des femmes, avec la Marche du pain et des roses, est identifié comme ayant apporté une contribution exceptionnelle. La reconnaissance de l’économie sociale apparaît alors comme étant le fruit fragile et non cadenassé pour toujours d’une co-construction des politiques publiques à laquelle l’économie sociale est associée (Lévesque, 2007).
Autrement dit, deux conditions sont nécessaires pour que des politiques publiques favorables à l’émancipation de l’économie sociale dans une société apparaissent. Un, il faut que des acteurs dans la société civile s’unissent pour les réclamer. Deux, il faut que le ou les partis politiques qui légifèrent et détiennent le pouvoir exécutif s’intéressent à l’économie sociale et fassent le lien entre leurs programmes et l’économie sociale. C’est ce qui explique que d’un gouvernement à l’autre, la ferveur pour faire avancer les dossiers d’économie sociale peut être tantôt plus grande et tantôt moins grande. Au Québec par exemple, sous le gouvernement libéral de Jean Charest, depuis 2003, la société civile se contente de faire du damage control.
Est-ce que l’économie sociale contribue à réformer ou transformer le capitalisme?
Dans cette section, je fais le point sur l’apport de l’économie sociale à la transformation de la société. Quels types de transformation peuvent induire les pratiques et politiques favorables à l’économie sociale?
Pour traiter cette question, je commence par reconnaître que les positions prises par les acteurs et chercheurs sur celle-ci sont diversifiées et alimentent de vifs débats. Pour enclencher la réflexion et la discussion, je résume les positions de chercheurs québécois (Fontan et Shragge, 2000) et canadiens (Loxley et Simpson, 2007; Loxley, 2008) qui ont insisté sur l’existence de deux courants concernant l’économie sociale et une de ses composantes, le développement économique communautaire. On pourrait penser que ces auteurs utiliseraient la même distinction pour faire l’analyse des pratiques sociales des organismes communautaires, bénévoles, coopératifs et même des fondations.
Fondamentalement, pour ces auteurs, le premier courant, jugé plus négativement, se contente de réformer le capitalisme, tandis que le second, jugé plus positivement, s’emploie à le transformer en profondeur, c’est-à-dire à le remplacer ou à le faire disparaître. Après avoir pris note du fait que cette problématique renoue implicitement avec le débat ancien entre réformisme (ou social-démocratie) et révolution (ou socialisme de tradition marxiste), je m’en démarque en faisant ressortir que la position hégémonique à l’intérieur du mouvement québécois de l’économie sociale, influencée par les apports théoriques du CRISES (Centre de recherche sur les innovations sociales) et du CIRIEC- Canada, marque sa préférence pour une économie sociale capable de s’inscrire dans une perspective de transformation sociale profonde. Cette transformation vise non pas la disparition du capitalisme, mais un capitalisme autre. Cette transformation du capitalisme, dans la lignée d’une social-démocratie renouvelée, promeut une économie plurielle dans laquelle il y a une place pour un nouvel équilibre entre la reconnaissance des principes de l’économie solidaire (le don et la réciprocité), de l’économie publique (la redistribution) et de l’économie de marché. Autrement dit, dans le courant dominant de l’économie sociale au Québec, la réflexion explicite sur la social-démocratie renouvelée occupe présentement une place plus importante que dans le reste du Canada (voir à ce sujet le site du Chantier sur la social-démocratie renouvelée : http://www.chantiersocialdemocratie.org/).
Tout cela demeure quelque peu paradoxal en référence à une société québécoise où la social-démocratie a été critiquée de deux manières au cours des huit dernières décennies. D’une part, elle a été critiquée par la droite, c’est-à-dire par le courant corporatiste et nationaliste traditionnel de 1932 à 1960. D’autre part, elle a été critiquée par l’extrême gauche, plus fortement de 1970 à 1985 et plus timidement depuis. Pourtant, dans le Canada anglais, la social-démocratie, incarnée par la tradition CCF-NPD, a été vigoureuse depuis les années 1930 (Vaillancourt, 2009 : chap. I et II). L’hypothèse que je fais, c’est que la social-démocratie, à condition de se renouveler, constitue ces années-ci le projet de société le plus apte à l’éclosion d’une configuration dans laquelle l’économie sociale peut fournir le meilleur de sa contribution. Pour que cela soit possible, il faut dépasser les cadres d’analyse qui nous inviteraient encore (comme dans les années 1970) à choisir entre le réformisme ou la révolution ou à examiner avec suspicion toute pratique d’économie sociale qui ne s’inscrirait pas clairement dans une position anti-capitaliste. En fait, à la question posée par le livre de Loxley (2007), ma réponse est que l’économie sociale peut et doit à la fois réformer et transformer en profondeur le capitalisme.
Les relations avec les gouvernements
Tout en reconnaissant l’importance des relations entre les gouvernements locaux et l’économie sociale, cette section se contente d’examiner les relations qui impliquent le gouvernement du Québec et le gouvernement fédéral au cours des vingt-cinq dernières années.
Concernant les gouvernements du Québec, je commence par identifier les divers gouvernements de 1985 à 2007. Puis, je constate que l’économie sociale a été plus fortement reconnue et appuyée par les gouvernements du PQ que par ceux du PLQ. Pour étayer cette affirmation, je reviens sur la période des gouvernements péquistes de 1994 à 2003, en faisant ressortir les forces et limites de la reconnaissance de l’économie sociale développée pendant ces années. Enfin, je m’arrête sur la période des deux premiers gouvernements Charest, l’un majoritaire de 2003 à 2007 et l’autre minoritaire de 2007 à 2008. Je souligne que cette période est marquée par des reculs et, malgré tout, une certaine continuité concernant la reconnaissance de l’économie sociale. Cette continuité s’est avérée plus nette en période de gouvernement minoritaire, en raison du désir du PLQ de se démarquer de l’ADQ (Action démocratique du Québec).
Concernant les gouvernements fédéraux, après avoir identifié les gouvernements qui se sont succédés de 1993 à 2008, je fais ressortir que le gouvernement Chrétien s’est intéressé en fin de règne, à partir de 1999, à la composante non-marchande de l’économie sociale en lançant le Voluntary Sector Initiative (VSI); que les deux gouvernements Martin, en l’espace de 26 mois (de décembre 2003 à janvier 2006), ont mis de l’avant une politique de reconnaissance de l’économie sociale; enfin, que cette politique a été désavouée et, en grande partie, sabotée par le gouvernement minoritaire de Harper depuis 2006 (Vaillancourt et Thériault, 2009).
Les liens avec la recherche et les universités
Les liens entre les acteurs de l’économie sociale et les chercheurs ont été importants de manière constante au cours des quarante dernières années, mais ils se sont intensifiés au cours des quinze dernières. Déjà, dans les années 1970 et 1980, il y avait des dispositifs de recherche universitaire qui s’intéressaient aux coopératives. Parmi eux, il y avait le CIRIEC-Canada fondé en 1966, l’IRECUS de l’Université de Sherbrooke fondé en 1967, le Centre d’étude Desjardins en gestion des coopératives de l’École des HEC fondé en 1975 et le CRISES fondé en 1986. Dans les années 1990 et 2000, s’ajoutent plusieurs nouveaux dispositifs dont le Laboratoire de recherche sur les pratiques et les politiques sociales (LAREPPS) en 1992, la Chaire de recherche en développement des collectivités (CRDC) de l’Université du Québec en Outaouais en 1995, l’Alliance de recherche université/communauté—Économie sociale (ARUC-ÉS) créée en 2000, etc. Au fil des ans, le dispositif de recherche est devenu impressionnant et trois commentaires permettent de souligner ses caractéristiques. Un, les dispositifs de recherche québécois qui s’intéressent à l’économie sociale sont interdisciplinaires. Deux, ils valorisent la recherche en partenariat. Trois, ils ont eu de l’influence dans les décisions de politiques prises par le gouvernement Martin en 2004 concernant l’économie sociale.
Le réseautage des acteurs de l’économie sociale
Une autre caractéristique qui est propre au mouvement québécois de l’économie sociale a trait à sa tradition dynamique sur le plan du réseautage.
Ce réseautage se déploie d’abord à l’intérieur du Québec, avec la contribution de deux regroupements nationaux (au sens québécois), c’est-à-dire le Conseil québécois de la coopération et de la mutualité (CQCM) créé en 1939 et le Chantier de l’économie sociale (CÉS) créé en 1996. Certes, jusqu’en 2004, certains pouvaient avoir l’impression que le CÉS était le seul regroupement national—« le réseau des réseaux de l’économie sociale»– dans la mesure où le CQCM et plusieurs des coopératives plus anciennes hésitaient à s’apposer l’étiquette d’économie sociale. Mais à la suite d’un texte de Louis Favreau (2005, 2008) qui a secoué les perceptions, les représentations ont changé.
Le réseautage se déploie aussi avec le Canada anglais. Certes, les diverses composantes de l’économie sociale québécoises et canadiennes (coopératives, associations, mutuelles) se fréquentent depuis longtemps. Mais ce sont les acteurs du développement économique communautaire qui, avec les encouragements du Chantier de l’économie sociale, à partir de l’année 2003 en particulier, ont développé un plan stratégique de réseautage Québec/ Canada qui a permis l’émergence des politiques du gouvernement Martin en faveur de l’économie sociale.
Enfin, il y a le réseautage international auquel les acteurs québécois de l’économie sociale participent depuis longtemps en utilisant une diversité d’outils qu’ils se sont donnés. Ici encore, le CIRIEC-Canada, grâce à ses liens avec le CIRIEC international, a joué un rôle clé, surtout depuis les vingt dernières années (Lévesque, 2009). Il faut mentionner aussi le rôle du Groupe d’économie solidaire du Québec (GESQ) qui a mobilisé et fait converger, depuis 2001, la participation des acteurs québécois de l’économie sociale dans les activités internationales et intercontinentales, en favorisant la jonction avec le Réseau intercontinental de promotion de l’économie sociale et solidaire (RIPESS) tant à la rencontre de Québec en 2001 qu’à celle de Dakar en 2005.
Toutefois, lors de la préparation et de la réalisation de la dernière rencontre du RIPESS au Luxembourg en avril 2009, certaines tensions sont apparues à partir du moment où le Chantier de l’économie sociale a voulu s’accaparer à lui seul la responsabilité de représent—er l’économie sociale et solidaire québécoise au RIPESS. Dans les mois qui ont suivi, le débat s’est poursuivi lorsque le Chantier a proposé la dissolution du GESQ. La discussion a été tranchée démocratiquement dans les instances du GESQ en juin 2009 lorsqu’une majorité des membres a voté en faveur d’une proposition assurant la continuation et la restructuration du GESQ. Pour en savoir plus sur les pratiques de réseautage international faites à partir du GESQ et du Chantier de l’économie sociale, il suffit de se référer à leurs sites web. Le site du Chantier est le suivant: http://www.chantier.qc.ca/ . Celui du GESQ est le suivant : www.uqo.ca/ries2001/gesq/.
Conclusion
En terminant cet article, je suis conscient d’avoir parfois ultra simplifié certaines questions, à force de vouloir les formuler de manière concise. Je me console en me disant que les lecteurs et lectrices désireux d’en savoir davantage pourront se référer à la version originale française qui est plus élaborée et nuancée (Vaillancourt, 2008) ou encore à la version anglaise (Vaillancourt, 2009) dans lesquelles il sera possible d’avoir accès à ma lecture de l’histoire de l’économie sociale. De toute manière, je pense que les idées partagées dans le présent article centré sur l’économie sociale dans la conjoncture actuelle sont susceptibles d’alimenter une réflexion sur ce qui est spécifique au Québec et ce qui est partagé dans l’ensemble du Canada concernant les enjeux de l’économie sociale. En conséquence, je souhaite que cet article puisse être considéré comme une mise en jeu, assez stimulante je l’espère, pour lancer un dialogue avec les lecteurs et lectrices de la revue. J’ai fait mon effort pour m’engager sur certains thèmes. J’attends les réactions pour juger si des échanges seront possibles. La balle est dans le camp du lectorat!
Bibliographie
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Favreau, Louis. (2005, mai). Les regroupements nationaux d’économie sociale au Québec: Essai d’analyse politique, Gatineau, Chaire de recherche du Canada en développement des collectivités, Université du Québec en Outaouais, Recherche no 36, 37 p. Voir www.uqo.ca/crdc-geris.
Favreau, Louis. (2008). Entreprises collectives. Les enjeux sociopolitiques et territoriaux de la coopération et de l’économie sociale, Québec, QC : Presses de l’Université du Québec, 334 p.
Hall, Michael, et al. (2004). Cornerstones of community: Highlights of the national survey of non-profit and voluntary organizations. Catalogue no. 61-533-XPE. Ottawa, Statistics Canada, Canadian Centre for Philanthropy, et sept partenaires.
Lévesque, Benoît. (2007). Un siècle et demi d’économie sociale au Québec : Plusieurs configurations en présence (1850-2007). Montréal, QC : Co-publication CRISES/ÉNAP/ ARUC-ÉS, 80 p. Voir : www.crises.uqam.ca.
Lévesque, Benoît. (2009). Le CIRIEC-CANADA (1966-2006), Quarante ans de partenariat en recherche sur les entreprises publiques et d’économie sociale, Montréal, QC : Éditions Saint-Martin, 251 p.
Loxley, John. (2007). Transforming or reforming capitalism, Halifax, NS: Fernwood
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Shragge, Eric et Jean-Marc Fontan. (2000). Social Economy. International Debates and
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Vaillancourt, Yves. (2008 octobre). L’économie sociale au Québec et au Canada : Configurations historiques et enjeux actuels. Cahiers du LAREPPS, no 08-07, Montréal, QC : UQAM, 59 p. Ce texte peut être téléchargé à partir de : www.larepps.uqam.ca.
Vaillancourt, Yves. (2009). The social economy in Quebec and Canada: Configurations past and present. In J. J. McMurtry (Ed.), Living economics: Canadian perspectives on the social economy, cooperatives, and community economic development, (57-104). Toronto, Emond Montgomery Publications.
Vaillancourt, Yves, et Luc Thériault. (2009). Social economy, social policy and federalism in Canada. In Alain Gagnon (Ed.), (330-357), Contemporary Canadian Federalism. Foundations, Traditions, Institutions, Toronto, ON: University of Toronto Press.
Yves Vaillancourt holds a Ph.D. in political science from the Université de Montréal.
He is “professeur associé” at the School of Social Work of the Université du Québec à Montréal. He is member of the Laboratoire de recherche sur les pratiques et les politiques sociales (LAREPPS) studying social policy and social practises. He is also a member of CURA (Community- University Research Alliances) on the social economy and a member of CRISES, a research centre working on social innovations. He is a membre of the GESQ (Groupe d’économie solidaire du Québec).