Ce texte fait partie d’une série d’entretiens menés auprès de six chercheurs de la communauté PhiLab sur leurs différents objets d’étude.
Ce texte fait partie d’une série d’entretiens menés auprès de six chercheurs de la communauté PhiLab sur leurs différents objets d’étude. PhiLab est un réseau canadien de recherche en philanthropie basé à Montréal, sur le campus de l’UQAM.
***
Adriana Davis, bachelière en psychologie et sociologie à la Faculté des arts de l’Université de Régina
Vous avez fait de la compétition en athlétisme pendant cinq ans. Comment cette période de votre vie vous a-t-elle influencée?
Ces années contribuent certainement au succès des projets que j’entreprends aujourd’hui. Comme étudiante-athlète, j’ai appris à gérer mon temps efficacement. J’ai aussi développé la détermination nécessaire pour que mon travail et ma contribution correspondent à ce qui est attendu de moi.
Vous avez d’ailleurs eu le bonheur de fracasser un record sur piste. Racontez-nous.
Lors des Championnats canadiens de l’ouest, le 26 février 2016, j’ai retranché près de 3,48 secondes au 1000 mètres. J’ai franchi la ligne d’arrivée en 2 minutes 53 secondes 12/100 alors que le record de l’Université de Régina était de 2 minutes 57 secondes. J’étais très fière.
Parlez-nous de votre parcours académique?
Je viens de compléter un baccalauréat en psychologie doublé d’études en sociologie. J’ai opté pour la rédaction d’un mémoire qui s’intitule : « L’impact de la culpabilité induite sur l’autocompassion et l’autocritique déclarées. » Je prévois m’inscrire aux études supérieures et j’entrevois une carrière en psychologie.
En début d’année, le PhiLab a publié une série d’études de cas sur les réponses de diverses organisations philanthropiques à la Covid-19. Vous avez rédigé celle qui porte sur la South Sasktachewan Community Foundation (SSCF). Comment votre collaboration avec le PhiLab a-t-elle pris naissance?
Une de mes professeurs, Lynn Loutzenhiser, m’a approchée pour me proposer ce mandat. Jean-Marc Fontan, le co-directeur du PhiLab, allait mener l’entrevue avec Donna Ziegler, la directrice de la SSCF. Il cherchait un étudiant de la région – je suis diplômée de l’université de Régina – pour l’accompagner et rédiger le rapport. C’était ma première expérience d’analyse qualitative, mais le fait d’avoir rédigé un mémoire pendant mon baccalauréat a probablement incité Jean-Marc à me faire confiance. Je lui en suis reconnaissante. Et je me considère chanceuse que ma première incursion dans le monde philanthropique se soit déroulée en 2021, une période où sa contribution à la société est si stratégique.
Parlez-nous des particularités de la SSCF.
C’est la fondation philanthropique canadienne qui couvre le plus vaste territoire. Elle rejoint 472 000 Canadiens de 481 communautés. Depuis le début de la pandémie, la SSCF a redistribué 10M$ à 500 organismes caritatifs. Lors de sa création, en 1969, cette fondation disposait d’un actif de 60 000$. Aujourd’hui, il s’élève à 80M$. La SSCF compte sept employés à temps plein et son CA est composé de 12 membres.
SSCF pilote l’initiative Vital Signs, de quoi s’agit-il?
Vital Signs est une communauté de 65 fondations canadiennes et de 45 fondations internationales qui collectent des données spécifiques sur les communautés afin de développer des solutions pertinentes et inspirées de la réalité du terrain. Depuis 2017, Vital Signs s’est arrimé aux 17 objectifs de développement durable de l’ONU afin que les données collectées sur les communautés puissent être comparées aux données internationales.
La pandémie a eu des effets à court et à long terme sur les fondations philanthropiques. Comment la SSCF s’est-elle ajustée au cours des premières semaines de la crise?
Les données provenant du réseau Vital Signs se sont avérées précieuses au début de la pandémie. La SSCF a rapidement identifié les quatre groupes qui seraient affectés le plus durement par la pandémie: les citoyens en situation de pauvreté, qui n’avaient pas les moyens de constituer des réserves de biens essentiels, ni de migrer vers un lieu de vie adéquat pour le confinement; les citoyens présentant des enjeux de santé mentale, qui seraient plus difficiles à rejoindre avec les services à domicile; les différents groupes de populations marginalisées; et les victimes de violence familiale.
Comment la SSCF s’est-elle assurée que son aide serait dirigée rapidement vers ceux qui en avaient le plus besoin?
Une fois les besoins urgents et leurs bénéficiaires identifiés, l’équipe de la SSCF est entrée en contact, par courriel et par téléphone, avec ses donateurs. Elle les a informés de ces réalités et a sollicité leur générosité. Elle a aussi fait appel à leur flexibilité quant à l’utilisation de leur don afin de pouvoir financer les nouveaux besoins auxquels devaient répondre les OBNL- comme l’achat de denrées et d’équipement ou le soutien aux opérations – plutôt que pour financer les programmes habituels. SSCF a aussi incité les donateurs à accepter que les OBNL mettent certains de leurs dons de côté, pour les utiliser lorsque les activités reprendraient. Le CA a ensuite voté pour que la SSCF contribue à ce fonds d’urgence à la même hauteur que les donateurs, jusqu’à un maximum de 500 000$. En huit semaines, le fonds a atteint 1,1M$ redistribué dans les communautés les plus fragilisées.
Pour réagir à cette situation d’urgence, la SSCF a aussi ajusté son fonctionnement interne. Pouvez-vous donner quelques exemples?
Les chèques des donateurs ont été remplacés par des transferts électroniques approuvés numériquement par le CA lors des réunions bihebdomadaires. On a aussi transféré le courrier à la résidence de la directrice. De plus, le CA a haussé de 25 000$ à 50 000$ la limite d’approbation d’un don à un OBNL par la direction.
La pandémie a permis à SSCF de resserrer et de raffiner ses liens avec les autres acteurs de la philanthropie. Expliquez-nous comment.
L’urgence de la situation et l’importance des besoins ont forcé la collaboration. La SSCF a eu des échanges réguliers avec d’autres fondations, pour profiter de leur expertise autant que pour en apprendre davantage sur leur quotidien. D’ailleurs, ces échanges ont permis à la SSCF de mieux comprendre le travail de ses homologues et de leur référer les OBNL qui ne rencontraient pas ses critères de financement. La SSCF a, entre autres, développé sa relation avec la Croix-Rouge à travers de fréquentes rencontres.
Terminons sur un angle mort fréquent des organismes caritatifs : la santé du personnel. La SSCF a mis beaucoup d’effort pour répondre aux besoins de la communauté. Mais qu’en est-il des besoins de son personnel soumis à une énorme pression de résultats, à cause de l’urgence d’intervenir et de l’amplitude des dégâts?
Dès que le choc initial fut passé, la direction a accordé des journées de congé aux employés. Le risque de burn-out était bien réel. D’ailleurs, l’Université de Regina a été sollicitée pour dispenser au personnel une formation de type « comment passer à travers la pandémie ».
***
Diane Bérard est journaliste de solutions indépendante. Cette pratique consiste à présenter, avec un regard critique, des solutions aux enjeux sociaux et environnementaux du 21e siècle.